Elle est sa propre sœur jumelle

Ce mannequin de 33 ans est une chimère génétique.

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Plus clairement, elle a fusionné in utero avec son « jumeau fantôme » qui n’est jamais né. Elle a deux ADN, deux systèmes ­sanguins et deux systèmes immunitaires. Un cas rarissime.

Longtemps, la Californienne a dû sa carrière à… Photoshop. La cause ? Une plastique parfaite mais un ventre bicolore. «Toute ma vie, ma mère et moi avons été informées par des médecins que j’avais simplement une marque de naissance. Mais à partir de 6 ou 7 ans, je demandais tout le temps à ma mère si je n’avais pas une sœur jumelle.

Sa mère ne comprend pas cette obsession chez sa fille. Encore moins pourquoi Taylor insiste pour que ses amis s’habillent et se coiffent comme elle. Mais c’est en tombant par hasard sur un documentaire qu’elle comprend sa singularité génétique. Elle partage l’épiderme de son ventre avec sa sœur fantôme. Car Taylor a effectivement eu une jumelle qu’elle a « absorbé » dans l’utérus de sa mère.
Résultat : son corps traite l’ADN et les cellules de sa sœur comme des intrus dont il essaie de se débarrasser sans succès. Les deux systèmes immunitaires s’épuisent à s’affronter en permanence. D’où la facilité avec laquelle Taylor est régulièrement affectée par les microbes. Elle développe également des allergies au fer, uniquement sur certaines parties de son corps. Un piercing à l’oreille n’aura aucune incidence, alors que sur son nombril, cela déclenche une réaction allergique violente. Elle précise : « Tout ce qui est du côté gauche de mon corps est légèrement plus grand que du côté droit. »

Comment cela arrive ?
Les chimères apparaissent lors de grossesses gémellaires, fréquentes à la suite de traitements pour améliorer la fertilité et au cours d’une PMA (procréation médicalement assistée). Peu après une double fécondation entraînant la naissance de jumeaux dizygotes (deux ovules différents fécondés), il arrive que les deux œufs fusionnent. Le fœtus possédera alors certaines parties du corps avec un génotype donné et les autres seront caractérisées par un autre génotype.
“On peut vivre en étant une chimère sans le savoir”


Combien y a-t-il de cas de chimérisme en France ?
Denis Duboule, professeur de génétique et génomique à l’université de Genève. Il est impossible de le savoir. Mais il ne faut pas sous-estimer ce phénomène. Nous pouvons tous être des chimères potentielles. Si c’est une chimère garçon-garçon ou fille-fille, jamais la personne ne le saura. Sauf dans le cas d’analyses où l’on vous annonce que vos enfants ne sont pas vos enfants, par exemple. Le cas de Taylor Muhl est extrêmement rare, car chez elle c’est physiquement visible.

L’affaire Lydia Fairchild
En 2002, cette Américaine, enceinte de son troisième enfant, se sépare de son conjoint. Pour obtenir une pension alimentaire, des tests génétiques lui sont demandés. Stupeur ! Lydia n’est pas la mère biologique de l’enfant qu’elle porte, on lui impose la présence d’un huissier pendant son accouchement afin d’effectuer des tests ADN qui le confirme. Après enquête, on comprend que Lydia Fairchild est porteuse de deux ADN différents.

Est-ce que le chimérisme est une maladie génétique qui nécessite un traitement ?
Non, puisque l’on peut vivre toute une vie en étant une chimère sans le savoir. La gêne est plus d’ordre psychologique ou du complexe. Par exemple, si une mère d’Afrique du Nord a des enfants avec un père suédois, il y aura des nuances de couleur de peau entre frères et sœurs. Mais s’il y a un cas de chimérisme dans ce couple, il se peut que l’enfant naisse rayé !

Un meurtrier atteint de chimérisme pourrait-il profiter de son double ADN pour ne pas se faire prendre lors de prélèvements sur les scènes de crime ?
C’est évidemment possible, mais de moins en moins. Car quoi qu’il en soit, les deux ADN d’une chimère seront très proches. Donc, en cas de crime cette similarité attirera l’attention, des études mettront en relief le cas de chimère et l’affaire sera traitée en conséquence.

Il y aurait une centaine de cas déclarés dans le monde. Et pourquoi pas vous ?

Source : Paris Match 24 avril 2018, pêché par Claude FOISSEY